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Silures et télévision "choc"



J’avoue bien ne pas avoir apprécié le reportage sur le silure passé sur RTL-TVI.

Voici la vidéo : Le silure sur RTL-TVI

 

Quel est le problème ?

Ma critique repose sur 2 mots : sensationnalisme et parti-pris !
RTL est sensationnaliste pour attirer de l’audience, tout le monde le sait. Ce qui est gênant, c’est que cette recherche de sensationnalisme les pousse à mettre en avant non pas des faits, mais des impressions et c’est là qu’ils font preuve d’un parti-pris inacceptable.
Que dit le reportage ?
La présentatrice commence directement par un jugement de valeur : le silure serait assez laid ! De plus, elle parle d’envahissement et de grande voracité et émet l’hypothèse que le silure pourrait être responsable de la diminution de certaines espèces. Le silure se voit déjà condamné avant d’avoir été jugé.
La scène suivante présente des pêcheurs de silure. On ne peut conclure de cette scène qu’une seule chose : ces poissons sont gros et tirent bien, faisant la joie de certains pêcheurs. C’est court comme défense. Tout au plus peut-on saluer le fait que le poisson est bien traité et rejeté dans de bonnes conditions.
Le reporter enfonce de nouveau le clou en précisant qu’on appelle le silure également poisson-chat, ce qui est faux, le dernier cité n’étant pas un siluridé, mais une espèce distincte, et en ajoutant qu’il est très vorace, y compris le fait qu’il s’attaque à de sympathiques volatiles, film à l’appui (pris sur le Tarn, en France, soit dit en passant). Cela ne manquera pas d’émouvoir certaines personnes, mais, pourtant, on ne vient que de parler de chaîne alimentaire. Pas de quoi s’offusquer. Les carnassiers mangent leurs proies, c’est tout. Il n’y a pas de place pour la sensiblerie dans cette nature si sauvage.
Le réquisitoire se termine en disant que « certains pêcheurs » l’ont pris comme coupable « tout désigné ». La bonne preuve, ce gaillard, pêcheur au lancer, qui lance justement des affirmations en l’air comme « le silure n’a pas de rôle et fait beaucoup de dégâts (ici) », « il dévore tout sur son passage » … Des impressions encore une fois. Que fait-il des pollutions, des turbines de centrales hydro-électriques, des cormorans et du manque chronique de berges naturelles ? Ce pêcheur a dit ce qu’on voulait entendre sur RTL-TVI. On a trouvé un ennemi, un coupable pour la diminution des ablettes et des gardons depuis 10 ans.
Heureusement, tout à la fin, Patrick Kestemont, professeur de biologie à l’Université de Namur remet l’église au milieu du village : on va faire une étude enfin objective sur l’impact du silure en Wallonie et de continuer en insistant sur le fait qu’il n’est pas le seul prédateur dans et sur nos eaux. Les cormorans présents en grand nombre et la palourde récemment arrivée en Meuse sont des causes importantes de diminution de la faune aquatique. La défense n’a eu droit qu’à 1 minute.
Le journaliste termine par la possibilité de contrôler les populations de silures dans le futur. Je me permets juste de me demander avec quels moyens ! L’administration à Namur pinaille pour quelques euros pour la pêche et l’on relâcherait les cordons de la bourse pour se lancer dans une croisade contre le silure. Ne pourrait-on pas plutôt augmenter les ridicules budgets de la pêche (à la grosse louche 1 100 000€, soit moins pour toute la Wallonie que le budget d’une petite équipe de foot de la Jupiler Ligue). N’y a-t-il pas des gardes à engager ? N’y a-t-il pas des travaux à faire ? N’y a-t-il pas des braconniers à chasser de nos rives ?


Mon avis :

Premièrement, le silure a le physique le mieux adapté à ce qu’il doit faire. Dire qu’il est laid est faire juste preuve d’anthropomorphisme. Je suis également certain que pour un silure, la présentatrice ne présente aucun charme ni avantage. C’est absurde.
Ensuite, quelle est l’image que l’on donne du pêcheur ? Mettez-vous dans la peau d’un anti-pêche un instant. Le premier pêcheur remet à l’eau un poisson d’une espèce envahissante, dangereuse pour l’écosystème. On oublie juste de dire que ledit silure était présent en Meuse au Moyen-âge et à l’époque moderne, comme le prouvent certains textes et preuves archéologiques (http://environnement.wallonie.be/crnfb/site/dncp/peche/pdf/peche340.pdf ). Le second pêcheur est encore mieux. On est en plein cliché. Le pêcheur de silure serait donc un innocent qui ne sait pas le mal qu’il fait et le second pêcheur aurait raison quant au silure, mais tort de pêcher.
L’exemple ultime de la subjectivité est l’entrée en jeu des ablettes et des gardons. Pensez-vous qu’un gros silure va passer son temps à aller gober en priorités des ablettes, agiles petits poissons de surface et des gardons ? Il suffit de voir la taille des poissons utilisés pour pêcher le silure et les autres carnassiers pour se convaincre que c’est absurde. Un carnassier mange des proies suffisamment grosses pour compenser la perte d’énergie engendrée par la chasse ! Les brèmes, les carpes, les perches, voire les sandres sont des repas corrects, pas des ablettes. Le cormoran, par contre, a une ouverture de bec parfaitement indiquée pour attraper des poissons entre 10 et 20cm. Ajoutons à cela la pollution et les berges en béton … De plus, quand on regarde ce qui se passe sur la Haute-Meuse namuroise, on se devrait de douter : en effet, les populations de gardons y ont énormément diminué depuis 10 ans, c’est un fait, mais on n’a jamais ou très peu pris de silures en amont de Namur. Même s’il a un impact sur le milieu où il vit, impact encore à objectiver par une étude sérieuse, l’hypothèse première de ce reportage prend sacrément l’eau.
Malheureusement, l’image des pêcheurs en sort diminuée (nous ne savons pas le mal que nous faisons ou sommes des rigolos) et tout le travail et l’engagement dont font preuve les fédérations depuis plus de 50ans est remis au niveau des clichés vus dans les films avec Louis de Funès. Nous devons contrôler notre image, afin qu’elle soit juste, reconnue pour ses qualités et ne prête plus systématiquement à la plaisanterie.
Pour terminer, quand on sait que toutes les informations ont été données au journaliste de manière précise et nuancée par la Maison Wallonne de la Pêche et le rédacteur en chef du Pêcheur Belge, je suis d’autant plus fâché vis-à-vis du traitement qu’on en a fait !

Pour conclure, j’attends avec impatience les résultats de la recherche de l’Université de Namur, mais je déplore très sincèrement qu’on pense déjà à contrôler les populations de silures, alors que le cormoran est bien plus présent, et ce depuis près de 15ans. On a encore trouvé un bouc émissaire qui ne se voit pas et dont la laideur est repoussante, qui ne parle pas et ne se défend bien qu’au bout d’une canne. Cela ressemble au texte d’une épitaphe !

JNS
Publié dans le FP 220 (janvier 2013) 
Silures et télévision "choc" Silures et télévision "choc" Reviewed by JN Schmitz on 22:24 Rating: 5

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